Mauvoisin-Zermatt par la Haute-Route
Dans ce court article, nous allons montrer comment il est possible d’intéresser nos enfants à la pratique alpine, en utilisant une pédagogie basée sur une certaine dose d’autodérision tintée de philosophie et de contemplation.
--- Départ de la cabane des Vignettes, vers 7 heures ---
Préparer, c’est déjà partir
Ce n’est pas notre première aventure, non ! Il y a de cela 5 ans, nous avons entamé notre première « grande randonnée », dans le Vercors. Ensuite il y a eu le Mercantour puis le Haut-Jura. Nous trimbalions notre tente et pas mal de trucs sur le dos. Un âne nous suivait pour le gros de la charge.
Il y a 5 ans, notre cadette avait… 5 ans. Les deux aînés avaient respectivement 7 et 9 ans. Les difficultés n’étaient pas majeures, certes, mais les journées parfois longues et les sentiers bien escarpés ! Après ces trois ans d’aventure, nous nous sentions prêts pour affronter la moyenne montagne. Là, c’est moins simple : le trajet, c’est à nous de le définir. La topographie empêche l’accompagnement par un âne. Faudra donc tout porter ! Quelques discussions et nous nous mettons d’accord pour le lieu : Zinal dans le Valais Suisse. Nous décidons de limiter notre randonnée en autonomie à 5 jours et 4 nuits en montagne.
Il nous a fallu 6 mois pour être fin prêts. Six mois d’interrogations, de recherches, de rêveries, de défis et de fous-rires. Que ferons-nous s’il pleut ? Emportons-nous une corde et des harnais au cas où un passage est vraiment dangereux ? Quel dénivelé sommes-nous prêts à affronter chaque jour ? Quel poids pour nos sacs ? Et ceux des enfants ? Combien de repas « lyoph’ » ?
--- Le glacier d'Otemma ---
Nous avons trouvé toutes les réponses à ces questions, grâce à nos expériences précédentes. D’où une première conclusion : c’est vraiment pas une bonne idée de commencer une grande randonnée sans expérience. Le philosophe dirait : « commence petit si tu veux un jour réaliser de grandes choses ». Ceci dit, rétroactivement, fallait oser le faire…
Partir à l’aventure, ça tisse des liens
Nous voilà donc prêts pour entamer la vraie grande aventure : la haute montagne. Notre cadette a maintenant 9 ans, et bout d’impatience à l’idée de monter là haut. Notre aînée, qui a maintenant 15 ans, n’a pas trouvé (malgré des recherches exhaustives) d’autres adolescents de son âge qui ont réalisé un « tel exploit ». C’est que dans nos têtes, c’est vraiment un défi important… nous nous préparons donc très durement, notamment dans la recherche de l’équipement nécessaire (il nous a fallu 5 mois pour tout rassembler – et y consacrer tous les budgets « cadeaux d’anniversaires ») et dans la préparation physique.
--- Nous sommes ici en terrain sauvage, beau et intensément silencieux ---
Nous décidons également de se faire accompagner par des guides, mais aussi par des amis, membres de la section « Escal’pades ». C’est donc à 8 plus 2 guides que nous quittons Mauvoisin pour une randonnée glaciaire de 5 jours, qui doit nous mener à Zermatt. Cinq jours de franche camaraderie, de grands sourires (parfois un peu angoissés) et contemplation de cette nature intacte et silencieuse. Cinq jours d’efforts, de dénivelés intenses, de froid… que du bonheur, quoi ! Pas un ne s’est plaint… De fait, nous étions encordés physiquement, mais aussi symboliquement. Nous ne faisions qu’un dans l’affrontement des difficultés. Nous ne faisions qu’un dans la joie d’atteindre les objectifs. Le philosophe dirait « la meilleure façon de rester ensemble, c’est de s’attacher ».
--- Une des deux cordées, sur le glacier couvert d'une fine couche de neige fraîche --
Les liens, ça s’entretient !
Mais voilà… l’aventure se termine un jour. Y’a plus de corde. Miracle ! Le lien continue. Car c’est bien de cela qu’il s’agit en fin de compte : tisser des liens entre nous, qui sont forts et durables. C’est cela que nous avons vécu dans cette (modeste) expérience du monde de l’alpinisme et de la haute-montage. La montagne nous a finalement beaucoup appris sur nous et nos proches. Au-delà du plaisir que nous ressentons là-haut, nous avons vécu une véritable retraite (un « retrait » du monde) de nature humaine, certes, mais aussi spirituelle. Comment expliquer autrement ce qui est arrivé à notre âme, qui s’est libérée entièrement pour se consacrer à ce que nous sommes vraiment, à notre juste mesure ?
--- Toute petite, aux pieds du Cervin ---
Le vrai résultat de cet exercice est d’avoir laissé notre âme se mettre à nu, en toute amitié, en toute confiance, grâce à l’environnement si beau et sauvage et aux efforts qu’il a fallu réaliser pour s’y plonger. C’est bien ainsi que la cordée trouve son prolongement dans de solides liens familiaux et amicaux.
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